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Trois jeunes dragons, s'en revenant de guerre
De bourg en bourgade, trois jeunes et beaux dragons, bougeaient en Bourgogne, draguant la bourge et débouchant des boutanches à qui mieux mieux.

Par un clair matin, dans une gargote de Bourberain, nos dragonneaux n'en étaient plus à leur première fillette, et, par bravade, ne buvaient que du bourgueil !

« Peste soit de ces Bachi-bouzouks » bougonnait le boutiquier qui en avait plein les boules et autant de mauvais bouzeron invendu dans ses caves. « ces boucaniers bousculent ma bourgeoise, bousillent mes bons godets, bourrent la bonniche sans bourse délier ; leurs bouffardes empoisonnent le cabaret et de surcroît … ils se bourrent la gueule au pinard de Loire ! En Bourgogne ! ça c'est le bouquet ! Bon dieu de boucs je devrais leurs botter le dargeot » !

Dame ! En bons vivants, nos boute-en-train bouillonnaient de vive vigueur ; non contents de butiner la gouge du boui-boui, ils buvaient au goulot mille bouteilles… et glou, et glou et glou ...sans penser verser un drachme au taulier.

Mais le bougnat ne bougea pas un pied, ni même un doigt ! Et pour cause ! Aux poignets des dragons, pendaient ces fameuses dragonnes, porteuses de dangereuses rapières, habituelles couturières coutumières de sanglantes boutonnières, sabreuses de « roteuses », et tranchants cimeterres vous menant au cimetière le plus proche si l'occasion s'en présentait. Valait mieux garder biroute et boutroulle loin des bouterolles de leurs fourreaux.

C'est la daronne qui mit ces dragons aux pas ! « Alors mes gredins, vous prendrez bien un brin de bouffetance avec votre vin ?  Du bon boudin, cela vous botte ? »
"Du boudin? Bon sang ! Bien évidemment!"… Outre leur potomanie biberonneuse, leur libido bichonneuse, une monstrueuse boulimie ne manquait guère de triturer le ventre des briscards, et dare-dare, nos trois soudards se mirent à table avouant leur glorieux appétit.

Mais notre cuisinière, originaire de Dijon, un tant soit peu débrouillarde, voire espiègle et grande pratiquante de l'escobarderie, crut bon et astucieux d'allonger la sauce à sa manière … Un plat qui ne manquait pas de piquant !

Les dragons n'en prirent qu'une bouchée ! En un instant la moutarde leur monte au nez ! Cependant, bien que hurlant tant leur gosier était incandescent, loin d'être encore en état de se fâcher, la bouille bouffie, c'est en courant vers la fontaine la plus proche qu'ils traversèrent vignes et village à grandes enjambées…

Craignant quelques représailles, nos Thénardiers s'empressèrent de clore l'auberge, fermant huis et volets à double tour… Ce n'était pas nécessaire : les trois lascars, courant de ruisseaux en sources n'avaient cure de se goinfrer de seaux d'eau sans grand apaisement de leur incendie buccal… ils s'éloignèrent tant et tant de Bouberain que nul ne les revit dans la région 

Néanmoins, c'est depuis ce jour, que tout dragon qui se respecte crache à la moindre occasion un feu d'enfer, puant du bec tant que butoir de vieux cochon !

Des dragons ? vous n'en trouverez point parmi les bourguignons, encore moins parmi les bourguignonnes !!… Bien que je me suis laissé dire que, dans les Bouches-du-Rhône, chaque lundi de pentecôte, il traîne encore quelques vilaines et venimeuses tarasques !

« La gadeù, Lagadigadeù, la tarascou
La gadeù, Lagadigadeù, lou castéù »




Texte, photo et toile acrylique : Jacques Goffin

In "Du fond de l'amphore" PDF 5-32, 2019

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